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Depuis la lecture des Furtifs d’Alain Damasio, et l’écriture de Mon Eli et Jeunes rivières, je me suis rendu compte que la thématique de la fuite était aujourd’hui fondamentale à traiter. Fuite de l’oppression, fuite des autres, fuite de la société capitaliste, fuite de soi-même : devenir intraçable. Mais est-ce vraiment possible dans une société où nous nous communiquons constamment ? Est-il vraiment souhaitable de disparaître ? Peut-on fuir l’ultra-visibilité et l’ultra-traçabilité dont nous sommes tout autant les victimes que les responsables ?
Cette visibilité nous contraint à nous définir, à nous simplifier. Étudier la fugue dans le temps, c’est redécouvrir les histoires de persécutions, les histoires de marronnage mais aussi de disparitions volontaires contemporaines. Les êtres humains ont, de tout temps, eu besoin de disparaître pour enfin exister. La visibilité, que l’on croit émancipatrice, est aussi bonne manière de nous mettre à nous-même, des chaînes. Grands ruisseaux, suite de Jeunes rivières, est un texte que j’élabore autour de cette thématique. Emilio, le personnage principal, est un adolescent-liane. Vous en entendrez parler le long de la saison. Ses lianes ont de multiples significations. Des lianes pour se cacher. Des lianes pour serpenter dans le réel. Des lianes pour unir, et aussi parfois pour étrangler…
Jusqu'où nos lianes peuvent-elles nous sauver ? La suite le long de cette saison.
Et une autre grande recommandation de lecture pour tous : La Sagesse des Lianes de Dénètem Touam Bona.
L’écriture sera à l’honneur cette saison. Au Studio des Écritures Nomades Drôme – Ardèche de la Comédie de Valence – CDN, d’abord, pour le projet « Ravine(s) ». Il s’agira de résider dans plusieurs villes d’Ardèche et d’y écrire un texte qui sera présenté en mai 2024. J’ai également l’honneur d’être artiste associé au projet de Julie Delille pour le Théâtre du Peuple de Bussang. Ensemble, nous allons imaginer, avec l’équipe du théâtre, la vie du lieu, ses prochaines saisons, ses prochaines créations et son implantation avec les personnes et les lieux qui feront sa vie. Des textes naîtront, se diffuseront. Il s’agira de creuser les thématiques de la fugue, du marronnage mais aussi de l’immortalité. Ces mots, ensemble, permettent d’aller questionner les fondements même du capitalisme, dogme moderne qui aujourd’hui encore nous empêche de nous révolutionner nous-même.
Nos spectacles continueront d’exister. Nous vous annoncerons bientôt les prochaines dates pour Jeunes rivières et Kal, qui vont reprendre leurs tournées pour le premier semestre 2024. Mon Eli tournera pour la saison 2024/2025, accompagnant un temps fort où la Compagnie Soleil Glacé revient à la Réunion pour présenter son travail. En attendant, je poursuis le chemin d’écriture, de la table-tête à la scène, en coopération avec des théâtres qui luttent pour maintenir le lien humain au Présent, loin des écrans, en chair, en son et en vie. Pour une grande-petite mission qui nous panique tous : comment tisser les lianes qui nous unissent ?
Paul Francesconi